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Mardi 30 avril. — Chez Daumier la réalité bourgeoise a parfois une intensité telle, qu’elle arrive au fantastique.

―――― Aujourd’hui, au dîner Brébant, devenu une espèce d’antichambre de ministère, c’est autour de moi un susurrement à voix basse de gens qui se demandent et se promettent des places pour les amis. Aujourd’hui littérature, art, science, tout se tait sous la grosse et bête voix de la politique.

Jeudi 2 mai. — À l’exposition. C’est vraiment charmant cette petite et rustique maison japonaise du Trocadéro, avec son enclos de bambous, sa porte aux grosses fleurs sculptées dans un bois tendre, ses petits arbres en paraphes d’écriture, ses parasols, sous l’ombre desquels se remuent des volatiles minuscules, ses resserres en essences joliment veinées : tout ce goût et tout cet art décoratif dans une habitation des champs. Puis la petite maison aux chambres, grandes comme les chambres de Pompéi, vous fait toucher le cadre étroit, où se joue la vie de ce petit peuple.

Je déjeune avec le Chinois Tien-Paô, qui ne prend que du thé et des œufs. C’est un musulman sérieux, qui depuis qu’il est ici, faute d’avoir trouvé un boucher, qui tue avec la parole consacrée, n’a pas encore