Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

tout le temps du déjeuner, Dumas me parle curieusement de Girardin, et me conte une réponse qu’il lui a faite.

Un jour Girardin, exaspéré de la nullité de son fils, lui aurait dit : « Il m’aurait fallu un fils comme vous ! — Les fils comme ça… voyez-vous, répondait Dumas, il faut les faire soi-même ! » Et là-dessus, Dumas part pour jeter un coup d’œil à la propriété, dont il vient d’hériter de Leuven.

Mais de retour à la maison, voici l’embaumeur et son aide, et de l’endroit où je suis dans le salon, tout en ne voyant pas ce qui se passe dans la pièce voisine, je commence à pâlir si visiblement, qu’on me renvoie dans le jardin.

Et je vais m’asseoir dans un coin, que le mort aimait, là où il y a une guérite en toile, une chaise longue en sparterie, un hamac : dans ce coin, dont il avait fait une espèce d’atelier, en plein air.

À son arrivée à Saint-Germain, il y peignait son dernier tableau ou plutôt sa dernière esquisse, et qui devait faire le pendant à son « Déjeuner dans le jardin » de l’année dernière. Cette esquisse qu’il avait abandonnée, lorsque sa vue avait commencé à se brouiller, il me la montrait, mardi dernier, au milieu des pots de confitures et des bocaux de pickles, confectionnés, ces jours derniers, par sa femme, et dont, un moment, dans une enfantine gaîté, il me faisait voir les jolies colorations, sentir les arômes piquants.

Cette nuageuse esquisse représente sa femme en