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sées, toutes mes actions, tout… ça allait toujours à lui… ça cherchait toujours à lui être agréable… à lui plaire même, quand j’achetais un bout de ruban… et ce sera chez moi, ainsi jusqu’à l’agonie, jusqu’à l’agonie ! »

Et des phrases amenées par on ne sait quoi : « Il disait qu’il avait la bouche si amère ! » Puis encore des ressouvenirs anciens, des détails d’une ascension au Vésuve, qui reviennent dans des paroles n’ayant plus de suite, n’ayant plus de sens. Et là-dedans une phrase recommençant ainsi qu’une litanie : « Ah, nous sommes bien malheureux ! » — une phrase qu’elle répète plusieurs fois de suite, et que la dernière fois on n’entend plus, que comme si elle la soupirait.

Enfin nous persuadons à la malheureuse femme de se coucher auprès de son enfant, resté toute la journée dans ces tristes choses, afin qu’il n’ait pas peur, s’il venait à se réveiller.

Et je me jette sur un canapé, pour veiller le mort, en compagnie de Mme Techener, la femme du libraire, une parente de Mme de Nittis.

Vendredi 22 août. — À une heure du matin, tombe dans la maison, un commis de Borniol, l’homme des pompes funèbres.

Au matin, l’impression est navrante dans la sereine indifférence de la nature, et le joyeux éveil de toutes les bêtes de la maison, qu’il aimait tant : les oies, les