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les maladies… il croyait à une maladie de la moelle épinière, rapport à mes yeux… enfin ces jours-ci, il m’a rassuré, il pense qu’il n’y a que la chose du cœur. »

Comme je disais, quelques instants après, à de Nittis :

— Vous qui aviez une santé dont j’étais jaloux… c’est cette bronchite d’il y a deux ans ?

— Cette bronchite, reprenait-il, non… c’est la fatigue de toute ma vie… c’est ma jeunesse passée dans la campagne à peindre sans manger… ce sont les demi-journées passées en Angleterre à peindre dans le brouillard… c’est, c’est…

Quelques minutes avant de partir, affaissé à côté de moi, il laisse échapper à voix basse : « Voyez-vous, quand on est une fois détraqué, comme je le suis, on ne se remet pas. »

Je m’en vais navré, emportant de mon pauvre ami, l’impression d’un être frappé à mort.

Jeudi 21 août. — Il y avait à peine quelques heures, que je venais d’écrire ces tristes impressions, quand j’ai reçu ce télégramme : Venez vite, M. de Nittis mort subitement.

À la gare de Saint-Germain, je tombe sur Dina, qui part pour acheter à Paris des effets de deuil, tout faits pour sa maîtresse. La pauvre fille me raconte dans son baragouin, entrecoupé de sanglots, cette soudaine mort de Nittis. Il s’était réveillé à sept heures, elle lui avait posé derrière le cou, les quatre ventouses