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de leur bottier, de leur chapelier. Ne se plaignent-ils parfois, les malheureux, de payer cher !

Mardi 10 août. — Comment va de Nittis ?

— Bien pauvrement !

C’est Louise, la cuisinière qui me répond dans le vestibule de la maison de Saint-Germain.

Presque aussitôt j’entends, montant de l’escalier, une voix anhélante qui me dit : « Ah ! c’est vous… c’est vous… je viens ! » — et je vois mon pauvre de Nittis, avec la figure d’un vilain jaune, et une inquiétude hagarde des yeux, dont j’ai peur.

Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. « Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c’était comme s’il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J’ai averti le médecin… ça pouvait être, n’est-ce pas, l’effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j’avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd’hui… tout à coup il m’a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu’il fait là… Eh bien, c’était ça dans mes yeux… Ah ! j’ai eu peur… c’est que vous savez, un moment le médecin d’ici ne savait pas, si je n’avais pas toutes