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vraiment tous deux ont de curieux appareils olfactifs, Loti avec son nez sensuel, Zola, avec son nez de chien de chasse, et ses petits frémissements, qui ont quelque chose du chatouillement d’une muqueuse sous le passage d’une mouche.

Jeudi 12 juin. — Je lisais, ces jours-ci, dans un article de Bonnetain sur le Tonkin, un portrait de fumeur d’opium, dont la pupille extrêmement dilatée, et la pâleur ivorine, me font penser que je ressemble ou du moins que je ressemblais, ces années, tout à fait au fumeur d’opium de Bonnetain. N’ayant jamais fumé d’opium, ce serait donc l’intoxication des très forts cigares que j’ai fumés, toute ma jeunesse.

―――― Ce soir au dîner des Spartiates, Raoul Duval qui avait fait sa rentrée à la Chambre, dans la journée, disait qu’il en était sorti tout triste, trouvant la droite plus inintelligente, la gauche plus commune que jamais. Au milieu du dîner, quelqu’un s’écrie : « La nuance ! oh, la nuance… elle est morte à l’heure qu’il est en France… Et la nuance, c’était toute la France, toute sa distinction… le don rare, en un mot, qu’elle seule avait parmi toutes les nations. »