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lettres, le petit trou noir que fait la goutte d’eau dans le rocher. Mais voilà qu’au milieu de mon navrement m’arrive une lettre réconfortante. Elle contient cette phrase sortie, dit le correspondant, d’une des plus jolies bouches de Paris : « Nous devons empêcher nos maris de lire Chérie, ça leur en apprend trop sur notre passé ! »

Mardi 6 mai. — L’éreintement devient international. La Fanfulla de Rome déclare, dans un article colère, que ma sénilité me fait voir des fantasmagories dans le vrai.

Au fond, c’est un tollé européen contre mon roman. On ne veut pas que la jeune fille des livres appartienne à l’humanité. Il la faut insexuelle, comme je l’ai dit dans ma préface. Eh bien ! non, on ne donnera pas l’image de la jeune fille, si on n’indique pas les troubles physiques qui la traversent, un instant.

Mercredi 7 mai. — Un enragement intérieur, qu’apaisent les douceurs du jardin et des marches violentes… qui se mettent au pas, dans le sentier des roses entr’ouvertes. Oui, l’amertume de la vie de ces jours, les petits tressaillements nerveux de la bouche, les filtrées de bile dans l’estomac, les en-