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part m’annonçant la mort d’une cousine, complètement perdue de vue, depuis nombre d’années.

C’est drolatique, le souvenir que réveille chez moi, cette lettre bordée de noir. J’étais encore un enfant, mais un enfant à la pensée déjà préoccupée du mystère des sexes et de l’inconnu de l’amour. Je passais quelques jours de vacances chez cette cousine nouvellement mariée, et qui était jeune et jolie et blanche comme une Flamande. Le ménage me traitait sans conséquence, et à toute heure, qu’il fût couché ou non, je pénétrais dans leur appartement. Un matin que j’allais demander au mari de m’attacher des hameçons à une ligne, j’entrais dans leur chambre à coucher sans frapper. Et j’entrais, au moment où ma cousine se trouvait la tête renversée, les jambes relevées et écartées, le derrière soulevé sur un oreiller — et son mari tout prêt à faire acte de mari. Une bousculade des deux corps, dans laquelle le rose derrière de ma cousine disparut si vite, que j’aurais pu croire à une hallucination… mais la vision cependant me resta. Et ce rose derrière, sur un oreiller à grandes dents festonnées, fut jusqu’au jour, où je connus Mme Charles, le doux et excitant spectacle que j’avais le soir, avant de m’endormir, sous mes paupières fermées.

Lundi 5 mai. — De quelque æs triplex qu’on soit muré, l’attaque journalière creuse en l’homme de