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tête d’un air conquérant, prenaient leur place sur le premier rang de chaises du passage, où se promenait un infirmier, choisissant le côté, où ils ou elles pouvaient montrer un profil moins endommagé — car il y avait parmi eux beaucoup de scrofuleux, très avancés — et ainsi placés, chacun et chacune tenait son livre de messe, de façon à faire voir le numéro de son lit, qui est inscrit dessus. Les places sur le passage, se payaient cinq sous.

Et c’est Joseph, le panseur, qui faisait très bien ses pansements, après l’absorption de deux ou trois bouteilles de vin, complètement ivre.

Puis ce sont les malades qui n’étaient pas malades de cœur, c’est-à-dire ceux qui avaient faim, et parmi lesquels il figurait au premier rang ; et il raconte les séances diplomatiques, où il décousait les anneaux des rideaux pour la lessive, au moyen de quoi, il obtenait de la sœur une côtelette, et encore toutes sortes de détails précieux.

À la fin, il s’élève contre cette innovation, qui sous le prétexte des microbes, va enlever les rideaux aux malades, leur retirer ce pauvre petit chez-soi, où ils pouvaient cacher aux autres le triste spectacle d’eux-mêmes.

De l’hôpital, il saute soudain au portrait d’un de ses amis, un vrai peintre, qu’il a rencontré, un jour, dans le jardin du Luxembourg, mangeant sur son pain, des pousses de tilleul du jardin, et si artiste, ajoute-t-il, que lorsque je l’aidais d’une pièce de quarante sous, il achetait trente sous d’eaux-fortes de Tiepolo.