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que s’il faisait de l’eau-forte, dans l’état où sont ses yeux, il perdrait la vue.

Et le voilà, qui se met à me conter qu’il avait été cependant à la Charité, et qu’il y avait rencontré une sœur Philomène, une Philomène, si aimée de ses malades, qu’elle trouvait tous les jours, un bouquet de violettes dans sa cellule.

La Charité — c’est curieux qu’il soit tombé là, où j’ai justement fait mon étude — car la Charité pour lui, c’est l’hôpital, où est morte sa mère, et où, un moment employé, il a été un peu chassé par ce lit, qu’il rencontrait toujours. « Oui, dit-il, ma mère est morte là, un premier janvier ; et quand j’ai été opéré de la pierre, chez les Frères Saint-Jean-de-Dieu, dans le même mois, la veille de mon opération j’ai fait demander au directeur de la Charité, de faire dire une messe pour elle à l’hôpital… Il s’étonnait, il ne comprenait pas, cet homme ! »

« Ah, l’hôpital ! s’écrie-t-il, je devais être donc toujours poursuivi par lui ! » Et il me raconte les choses les plus curieuses et les plus humoristiquement observées, en les longs séjours, qu’il a faits dans les hôpitaux, pendant d’éternelles maladies, entre autres pour une hydarthrose du genou.

Il me donne d’amusants détails sur l’amour dans les hôpitaux, et sur la manière, dont il se faisait à Saint Louis. C’était à la messe. Là, les gens à tempérament amoureux, hommes et femmes, les femmes attifées de leur mieux dans leurs capotes grises, les hommes au bonnet de coton, posé sur la