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l’empâtement de la parole. Et il la joue ainsi en effet, avec un rien de fléchissement dans les jambes, et en se calant au commencement, par l’enfoncement de ses mains, dans les poches de côté de son pantalon.

Et, dans la préoccupation de ses pensées, tout le monde boit du champagne, et Daudet, comme tout le monde, et bientôt dans une légère excitation, le voilà laissant éclater une vraie joie de gamin, d’avoir fait entendre à Paris, sa tirade sur les antiques familles princières, et d’avoir montré un Bourbon courant après un omnibus — détail qui lui avait été donné par le duc Decazes.

Après quoi, comme il y a là un musicien, le musicien Pugno, il fait, sur un piano faux, du bruit prétendu illyrien dans nos pensées, demandant la paix et le recueillement.

Puis l’on s’en va, Daudet disant : « Demain je laisserai lire les journaux à mon compaing, et n’en lirai aucun : ça me rendrait agité, nerveux, et ça m’empêcherait de travailler à mon livre, pendant dix jours.

Mercredi 5 décembre. — Aujourd’hui Cladel dînant chez Daudet, est causeur, est anecdotier, avec une jolie et gaie dose de malice paysanesque.

Il nous parle de son intimité avec Gambetta, et des dîners, que la tante Massabie faisait, tous les di-