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pour la représentation du Roi s’amuse, dînent ce soir chez les Daudet. On cause de la pièce, et Daudet explique l’insuccès par ceci : que le père est un bouffon, et que son métier de bas comique tue l’émotion de la paternité, en sa personne.

Il ajoute que Got est un fin regardeur, qu’il attrape des jeux de physionomie, des attitudes, des mouvements de mains des gens, avec lesquels il se trouve, mais qu’il est incapable de tirer la moindre chose de lui-même ; or, un bouffon, ça ne se rencontre pas, dans la rue, ça ne s’observe pas, ça ne se photographie pas.

Enfin il s’écrie que la pièce lui a semblé, tout le temps, jouée en charge, en charge sérieuse, appliquée, pieuse même, mais en charge, comme devaient la jouer les excellents acteurs du Théâtre-Français.

Zola est au fond assez content, au point de vue du naturalisme, de l’échec d’hier. Cependant il ne peut s’empêcher de proclamer, qu’il y a des choses qui sont bougrement bien, dans le rôle de Blanche : « Attendez, je ne me rappelle plus les vers, mais ce “Je t’aime” du premier acte, c’est vraiment pas mal.

— Oui, là est la création de la pièce, jette Daudet.

— C’est pas mal, pas mal, reprend Zola, et ma foi, oui, j’étais à la représentation, par moments, furieux contre les lâches, qui n’osaient pas applaudir… j’aurais aimé à leur dire des sottises. »

Et là-dessus, Zola laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer, disant que le roman ne l’in-