Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un ironique médecin donnait à la teneuse d’un salon de Paris, où l’on fabrique des sous-préfets pour la province, et comme on demandait au médecin, ce qu’était une « frôleuse, » il répondait que c’est la variété de femme, qui ne met jamais de poudre de riz à ses épaules, et se frotte à votre habit noir, en travaillant à vous incendier doucement. Et comme l’on parle d’un monsieur qui a fait sa fortune dans ce salon : « Oui, oui, le monsieur à l’amour contenu ! » Et la définition est parfaite. Car le monsieur est le type de l’homme jouant, pour les maîtresses de maison où il va, une passion, qu’il semble avoir toutes les peines du monde à renfoncer, à museler.

Jeudi 6 juillet. — Aujourd’hui l’après-midi passé à Médan, chez les Zola, avec le ménage Daudet et le ménage Charpentier.

Zola a cette inquiétude agitée, qui est le caractère particulier de sa nervosité. Il n’est pas content du roman qu’il fait… Il y a trop de vente de toile et de coton… À distance, et avant de l’avoir commencé, la chose lui paraissait devoir être plus intéressante. Puis, malgré lui, l’écrasant succès de ses premiers livres, est l’empoisonnement de sa carrière future. Et il laisse échapper, sur la note d’une profonde tristesse : « Au fond, je ne referai plus jamais un roman qui remuera comme l’Assommoir, un roman qui se vendra comme Nana ! »