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Il trouvait une triste immobilité aux dessins de son tapis. Il voulait dessus une coloration, un reflet errant. Il allait au Palais-Royal, où il achetait une tortue. Et il était heureux de la promenade sur son tapis, de cette chose vivante et éclairée. Mais au bout de quelques jours, il trouvait le lumineux du chélidonien, un rien triste. Il portait alors sa tortue chez un doreur, et la faisait dorer. Et l’animal — bibelot, à la fois doré et locomobile, — l’égayait beaucoup, jusqu’au moment, où, tout à coup, il lui venait l’idée de faire sertir la tortue par un bijoutier. Alors il faisait incruster sa carapace de topazes. Et il était dans la joie de son imagination, quand la tortue mourait de son incrustation.

L’original, très charmant, très intelligent, très distingué, qui a eu cette idée excentrique, m’est amené aujourd’hui par Heredia, et s’est d’avance préparé, dans sa toilette, une âme ad hoc, pour la visite.

Samedi 17 juin. — Au Salon. Un tableau attire-t-il mon œil par sa cuisine, par un effet nouveau, par une originalité quelconque, quand je m’approche, et que je lis la signature, c’est le tableau d’un Autrichien, d’un Scandinave, d’un Russe, d’un Italien, d’un Espagnol. En peinture nous sommes battus par les étrangers, décidément battus.

Une chose me frappe dans ce Salon : c’est l’influence de Jongkind. Tout le paysage qui a une