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Il était le correspondant d’un étudiant en médecine de sa province, qui venait passer le dimanche avec lui, et amenait, tous les mois, une sœur qu’il faisait sortir d’un couvent de Paris. Au bout de quelque temps, sous prétexte de petites courses, l’étudiant restait des demi-journées à gueuser, laissant sa sœur au médecin.

Et la fillette passait des demi-journées dans un coin de la chambre à rêvasser, se refusant de sortir, quand il lui proposait. Enfin un beau jour il l’embrassait… « La première fois, tu me diras tout ce qu’une femme peut faire, pour rendre un homme heureux, » lui disait la jeune fille au moment de la rentrée de son frère.

Le médecin avait la conviction, que toute la rêvasserie de ces longs dimanches, était un travail d’imagination érotique, à la recherche de tout le possible et l’impossible dans la caresse, que peut rêver une ignorante des choses d’amour.

Voici, du moins — ce médecin le croyait — tout le thème des pensées de la jeune fille, devenue femme, et qui ne voit pas d’homme.

Jeudi 25 mai. — Je dîne avec un attaché, à l’ambassade de Russie. Il cause de la femme russe et de son curieux dédoublement dans les choses d’amour, où chez elle, un troisième personnage, tout cérébral, semble seulement comme témoin, prendre un ex-