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Il aurait été en train de faire un roman à deux ou trois personnages, mais il dit qu’il faut faire ce qui a été décidé… que c’est une habitude de son esprit… Et cependant, il aurait été bien tenté d’écrire un roman sur la maternité, ou plutôt autour de l’exploitation sur la maternité, sur laquelle vivent tant de gens à l’heure actuelle… ces maisons de pensionnaires… ces trous sombres où grouillent des femmes enceintes… des Callot, quoi… ce serait d’un comique noir… par là-dessus, si on trouvait une mère prise dans la modernité… une mère qui ne serait pas dessus de pendule… une mère bien en chair… il y aurait là, un beau livre à faire.

Il s’interrompt : « Savez-vous un rêve que je fais… s’il m’arrivait, d’ici à dix ans, de gagner 500 000 fr.… ce serait de me fourrer dans un livre, que je ne terminerais jamais… quelque chose, comme une histoire de la littérature française… oui, ce serait pour moi un prétexte de cesser d’être en communication avec le public, de me retirer de la littérature sans le dire… je voudrais être tranquille… oui, je voudrais être tranquille. »

« Allons, dit-il, en s’en allant avec une espèce d’air d’effroi, en voilà là-bas pour huit mois ! Oui, huit mois pendant lesquels il faut soulever tout un monde… puis au bout de cela, ne pas savoir, si ça y est ou si ça n’y est pas… Ne pas le savoir pendant bien longtemps… car il faut cinq ou six ans, pour avoir la certitude que le volume sorti de vous, prend décidément sa place dans votre œuvre. »