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je ne l’aurais pas risquée, sans un certain renseignement. Voici ce qui est arrivé à Rachel. Elle avait une vieille bonne, à laquelle elle est très attachée, et dont j’ai fait la Guenegaud. Cette vieille bonne tombe malade chez sa maîtresse, très gravement malade, et une nuit, on vient réveiller la tragédienne, et lui apprendre que la malade agonise. Rachel descend tout en larmes, et dans l’affliction la plus vraie, mais un quart d’heure ne s’était pas passé, que l’artiste était toute à l’étude de l’agonie de la femme, qui était devenue pour elle une étrangère, un sujet. Je tiens ce détail de Dinah Félix.

Mercredi 8 février. — Ce livre de la Faustin, mes confrères ne s’aperçoivent pas que c’est un livre, autre que ceux que j’ai déjà publiés. Ils ne me semblent pas se douter, qu’il y a dans ces pages une introduction toute neuve de poésie et de fantastique dans l’étude du vrai, et que j’ai tenté de faire faire un pas au réalisme, et de le doter de certaines qualités de demi-teinte et de clair-obscur littéraire, qu’il n’avait pas. En effet, les choses de la nature ne sont-elles pas tout aussi vraies, vues dans le clair de lune, que dans un rayon de soleil de midi ?

Oui, il y a quelque chose de neuf dans mon dernier bouquin, et il ne serait pas impossible qu’il se créât dans une vingtaine d’années, une école autour de la Faustin, comme il y en a aujourd’hui une, autour de Germinie Lacerteux.