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Mercredi 2 novembre. — État particulier, où l’on ne sait pas ce qu’on mange, où l’on se surprend à parler tout haut, où l’on se sent dans la cervelle un vide et un plein absurdes, et avec cela une espèce de bonheur vague dans la poitrine et de la faiblesse dans les jambes. Et cet anéantissement heureux est mêlé d’une inquiétude nerveuse, qui vous pousse à vous en aller de chez vous, pour éloigner, d’une douzaine d’heures, l’embêtement qui peut vous tomber sur les reins.

Jeudi 3 novembre. — Tristesse noire. Profond découragement. Vu Laffite au Voltaire. À travers la politesse de ses paroles, il perce une déception du succès qu’il avait espéré, presque une honte des audaces de mon livre. Le soir, parmi les quelques minutes, que je passe à l’Odéon, avec les Daudet, Rousseil sur la scène engueule lyriquement ma littérature.

Vendredi 4 novembre. — C’est curieux tout le bruit qu’on peut faire à Paris, avec la non-perception de ce bruit, et dans le silence des journaux, des lettres, de tout !

Jeudi 8 novembre. — Toujours l’attente nerveuse