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ses beaux meubles de toilette aux riches bronzes dorés, en ses tentures et ses portières de soie, aux tons nouveaux introduits par les grands tapissiers de goût.

Parmi les loges d’hommes : celle de Coquelin aîné a quelque chose d’un atelier de peintre, avec ses divans fabriqués de verdures, et les esquisses accrochées aux murs ; celle de Delaunay, de l’amoureux à la voix de musique, est curieuse, par l’affichage un peu enfantin de ses triomphes, par des coussins brodés, des couronnes de fleurs artificielles, un buste, au cou duquel pend une guirlande, sur laquelle on lit sur des bouts de ruban sale, imprimés en lettres d’or les rôles joués par lui, dans quelque ville de province.

Lundi 20 juin. — Aujourd’hui, le ménage Daudet, le ménage Charpentier et moi, nous allons passer la journée chez Zola, à Médan.

Zola vient nous chercher à la gare de Poissy. Il est tout content, tout guilleret, et dès que nous sommes installés dans la voiture, il s’écrie : « J’ai écrit douze pages de mon roman… douze pages, fichtre !… Ce sera un des plus compliqués que j’aie encore faits… il y a soixante-dix personnages. » En disant cela, il brandit un affreux petit volume stéréotypé, qui se trouve être un Paul et Virginie, qu’il a emporté pour lire en voiture.