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de dialogue ! Il ne cause pas dans un dîner, dans une soirée. C’est un monologueur de bureau de journal, de café, de brasserie. Du reste, il est revenu d’Angleterre peu plaisant, et avec le ton rogue du populaire de là-bas.

Mardi 1er mars. — Ce matin, je suis entré chercher quelque chose à la cuisine, et j’entendais la petite, qui disait au cantonnier, en lui donnant une tasse de café par la fenêtre :

— Eh bien, vous faites le mardi gras, ce soir ?

— Oui, oui, répondait-il, maman — il a une vieille mère infirme — m’a dit ce matin en s’éveillant : « Qu’est-ce que nous mangerons, ce soir, c’est fête ?

— Nous mangerons la soupe comme tous les jours, puis nous ferons des pommes de terre frites.

— Des pommes de terre frites ! a repris la mère, les autres années, il y avait un peu plus que cela… Ton père, lui, il gagnait moins d’argent que toi — le cantonnier gagne 3 fr. 75 par jour — et cependant de son temps, à nos dîners du mardi-gras, il y avait bien plus.

— Mais, maman, c’était en Bretagne cela… puis tu n’étais pas malade… Songe donc que, l’autre jour, il a fallu donner 50 sous, chez le pharmacien, pour une portion. »

J’étais monté prendre une pièce de cinq francs, pour que la bonne vieille femme fît un joyeux mardi--