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Dimanche 13 février. — Une coïncidence curieuse. J’avais construit dans mon roman (La Faustin) un homme de bourse, auquel j’avais donné le nom de Jacqmin, un nom pris dans un catalogue de vente du XVIIIe siècle, le nom d’un joaillier du roi Louis XV. Aujourd’hui, M. Poisson, un aimable agent de change, prié par moi d’entendre la lecture de ce morceau, pour y relever les bourdes qu’y pouvait commettre un homme, aussi peu familier avec les choses de Bourse que moi, me dit quand j’ai fini :

— Et vous lui donnez son vrai nom !

— Comment ?

— Mais il n’y a pas que son nom… il y est tout entier… Sa brutalité, sa crânerie dans les affaires, son tempérament haussier

Il se trouvait que j’avais fait le vrai portrait, et avec son nom encore, d’un boursier mort, il y a dix-huit mois.

―――― C’est étonnant, comment tout à coup dans le livre que je suis en train de faire, un chapitre, qui n’est pas arrivé à son tour d’exécution, prend despotiquement possession de ma pensée, et je dois le faire immédiatement, sinon il ne sera jamais bien fait.

Vendredi 18 février. — Vallès n’est pas un homme