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Le public de l’Ambigu est bonhomme, mais en veine d’égayement. Je fais une visite, après le troisième tableau à Mme Zola, qui a des larmes dans les yeux — ce que je ne vois pas tout d’abord, en l’obscurité de la baignoire — et comme je me permets de lui dire, que je ne trouve pas le public si méchant, elle me jette, dans une phrase sifflante : « de Goncourt, vous trouvez ce public bon, vous ! Eh bien, vous n’êtes pas difficile ! » Ah ! la monographie des nerfs d’un ménage d’auteur, pendant une première, ce serait une curieuse étude à faire.

Au dernier acte, un très saisissant effet : ce lit de la chambre du Grand-Hôtel, entouré de la musique sautillante d’un bal, et d’où, en la solitude de la chambre, sort d’un corps qu’on ne voit pas, la demande agonisante : À boire !

La toile tombe dans les applaudissements.

Nous sommes dans l’escalier, où tout à l’heure, l’on entendait Massin crier à Delessart : « Viens me poser une pustule ! » Nous sommes dans le cabinet du directeur, où l’on s’embrasse, au milieu des reproches de Mme Zola à son mari, qui s’est refusé à commander d’avance le souper. Et Zola répète dans un grand affaissement de corps : « Tu sais, moi je suis superstitieux, si je l’avais commandé, je crois que la pièce serait tombée ! »

Jeudi 3 février. — À Paris, dans ce moment, il