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une femme du premier Empire à une de mes vieilles amies. Devant sa psyché, à l’effet de gracieuser sa bouche pour les bals du soir, elle se livrait à une véritable répétition tous les matins, disant cent fois, quand elle voulait la faire toute petite : Un pruneau de Tours, disant quand elle voulait la montrer dans sa largeur et son épanouissement : J’avale une poire.

―――― Un terrible mot pour peindre la marche des gens, attaqués d’une maladie de la moelle épinière : « Oui il commence à stepper ! »

Mercredi 14 décembre. — Zola vient aujourd’hui me voir. Il entre avec cet air lugubre et hagard qui particularise ses entrées. Il s’échoue dans un fauteuil, en se plaignant geignardement, et un peu à la manière d’un enfant, de maux de reins, de gravelle, de palpitations de cœur, puis il parle de la mort de sa mère, du trou que cela fait dans leur intérieur, et il en parle avec un attendrissement concentré. Et quand il vient à causer littérature, à causer de ce qu’il veut faire, il laisse échapper la crainte de n’en avoir pas le temps.

La vie est vraiment bien habilement arrangée, pour que personne ne soit heureux. Voici un homme qui remplit le monde de son nom, dont les livres se