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bait, par une tabatière, sur la figure, une lumière qu’il voyait sur lui, comme sur un cadavre. Dans cette grande ville inconnue, sans relations aucunes, sans une lettre de recommandation, sans même la connaissance de la langue qu’on y parle, il se sent tout à coup pris d’un immense découragement, au milieu duquel il s’endort.

Le jour était tombé quand il se réveille. Il se met à la recherche d’un endroit pour manger, et découvre une gargote, où on lui fait payer sept francs son dîner. Il retombe dans la rue, se dirige au hasard, arrivant au bout de deux heures, sur le boulevard des Italiens. Là, dans cette allée et venue d’hommes et de femmes, dans ce mouvement, dans cette vie de la foule parisienne, sous les lumières du gaz, le noir soudain, que le jeune artiste a en lui, ce noir s’évanouit, et il est transporté, enthousiasmé, par la modernité du spectacle. Puis au bout de quelques instants, au café du coin de la rue de Richelieu, deux ou trois : « Ah ! comment te voilà ! » de compatriotes, lui enlèvent toute inquiétude, tout souci, toute préoccupation d’avenir.

Et sans demander, en pleine nuit, il retrouve son hôtel de la place du Mont-Parnasse, ce que, dit-il, il ne pourrait faire aujourd’hui.

―――― La littérature, c’est ma femme légitime, les bibelots, c’est ma p… mais pour entretenir cette