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Jeudi 4 décembre. — Aujourd’hui j’avais à déjeuner M. Frandin, attaché à la légation de Pékin, et détaché d’auprès du marquis de Tseng, ambassadeur de Chine.

Il me donne de curieux détails sur les courtisanes chinoises. Arrivé dans la ville de Tcheou-Sou, avec des lettres de recommandation pour le mandarin qui lui faisait les honneurs des curiosités de la ville, il lui demandait d’être mis en rapport avec quelque femme galante de la localité, étant venu, lui disait-il, pour étudier les mœurs du pays.

Hésitation du mandarin, persistance du Français, menaçant de se plaindre au gouvernement chinois.

Là-dessus, envoi par le mandarin d’une lettre de son plus beau pinceau sur papier rouge, et le lendemain, le Français était introduit dans une petite maison, meublée de jolies choses, et toute remplie de fleurs. Là, il trouvait une jeune femme, qu’il invitait à une collation, dans une villa de la campagne. Et le repas lui coûtait 400 francs, parce que la jeune femme emmenait ses amies et les amis de ses amies, qui, les jours suivants, rendaient la collation au voyageur. Il y avait déjà plusieurs jours de festoieries de la sorte, quand le Français demandait au mandarin de le faire arriver à une conclusion.

— Combien restez-vous encore ici ?

— Trois jours.

— C’est de toute impossibilité… Si vous étiez resté encore un mois, je ne dis pas non.

Il faut, là-bas, pour être accepté par une femme