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Mardi 16 septembre. — Une anecdote qui renferme comme un pronostic de ce qui allait arriver.

On sait que l’Empereur avait fait faire, par Frémiet, une série de petites figurines, coloriées et habillées de poudre de drap, représentant tous les corps d’armée. On permettait au prince impérial, de les voir sans y toucher, et l’enfant avait un désir fou de les tenir entre ses mains. Un jour, que la clef avait été laissée sur l’armoire, le prince les retira toutes, et les posant sur le plancher, se mit à jouer avec les petits soldats, couché à plat ventre par terre.

En ce moment la porte s’ouvre, un gros homme entre, et butant, tombe en plein sur l’armée française, qu’il écrase et démolit presque entièrement. Les soldats à peu près rafistolés, et remis dans l’armoire, l’Empereur est averti par un domestique, le lendemain. Il fait venir Loulou, qui seul pouvait être le coupable. L’enfant avoue. « Mais, lui dit l’Empereur, tu l’as donc fait exprès, car il est impossible qu’il y en ait autant de brisés… voyons, dis-moi comment c’est arrivé ? » Silence de l’enfant. On le prive des honneurs militaires. Persistance de l’enfant dans son mutisme. L’Empereur s’en ouvre à la princesse Mathilde, s’étonnant de cet entêtement. L’enfant, pris à part, confie à la princesse, que c’est le général Lebœuf, mais il lui fait bien promettre qu’elle ne le dira pas à son père.

Samedi 20 septembre. — Flaubert, en train de