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Samedi 18 février. — C’est curieux la révolution amenée par l’art japonais chez un peuple esclave dans le domaine de l’art, de la symétrie grecque, et qui soudain, s’est mis à se passionner pour une assiette, dont la fleur n’était plus au beau milieu, pour une étoffe où l’harmonie n’était plus faite au moyen de passages et de transitions par des demi-teintes, mais seulement par la juxtaposition savamment coloriste des couleurs.

Qu’est-ce qui aurait osé peindre, il y a vingt ans, une femme en robe vraiment jaune ; ça n’a pu se tenter qu’après la « Salomé » japonaise de Regnault, et cette introduction autoritaire dans l’optique de l’Europe de la couleur impériale de l’Extrême-Orient, oui, c’est une vraie révolution en la chromatique du tableau et de la mode.

Lundi 19 février. — Tourguéneff conte, ce soir, qu’il y avait, près de l’habitation de sa mère, un régisseur qui avait deux filles d’une merveilleuse beauté, et dans ses promenades et ses chasses aux environs, il passait et repassait souvent par là.

Un jour qu’il était amené par son désir de voir les deux sœurs devant la maison, tout le monde était en émoi sur la porte. On lui dit que la plus jeune, la plus belle, avait une fièvre chaude. Il se promenait, quelques instants, devant les murs de bois, au travers desquels passaient des bruits de paroles qu’il