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macker, reprenant les fautes de français de sa clientèle alsacienne et prussienne.

Un des habitués de là, était un curieux type de bohème, le peintre X…, ramassé par le banquier Halphen, pour lui donner des leçons de peinture, puis ensuite, pour veiller à ce que, dans sa maison de banque, quelqu’un du dehors ne prît pas de l’argent, ou une traite traînant sur un bureau, et passant toute la journée, sur un pied, en fumant tous les vieux bouts de cigare, oubliés par les uns et par les autres sur les coins de cheminées.

C’était là sa vie, mais de temps en temps, Halphen éprouvant le besoin de s’en débarrasser, et ayant la pitié de le mettre sur le pavé, l’expédiait avec une pacotille au Congo ou chez le roi de Siam. Mais la pacotille était quelquefois faite si en dehors des besoins des populations, qu’un jour, à la suite d’une cargaison dans un pays quelconque, Halphen recevait de lui cette lettre : « Gonze, tu m’envoies avec des peignes dans une contrée ousce qu’on se rase la tête ! »

Mardi 14 novembre. — Son paletot relevé jusqu’aux oreilles, il me prend le bras dans la rue, et se grisant de sa parole, il me fait la conduite jusqu’au chemin de fer, avec la gesticulation d’un étudiant qui sort d’une brasserie.

« Oh ! Dufaure, je le connais bien… À moi, il a