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préparée comme un théâtre pour la lecture, et où quatorze bougies, reflétées dans la glace et dans les appliques, font derrière lui, un brasier de lumière, sa figure, une figure d’ombre, comme il dirait, se détache cerclée d’une auréole, d’un rayonnement courant dans le ras rêche de ses cheveux, de son collier blanc, et transperçant de clarté rose ses oreilles fourchues de satyre.

Après le « Soufflet du père » on décide facilement le grand homme à lire autre chose. Les vers qu’il nous lit cette fois sont tirés d’un nouveau poème qu’il appelle : « Toute la lyre », un poème où il veut mettre tout — et qui lui permet d’être jeune, dit-il en souriant.

Sur ce, il déclame un morceau original : une promenade d’amants dans les bois, au printemps. La femme cause politique, et l’homme parle d’amour. Et quand la femme semble amollie par l’éveil amoureux de la nature, soudain, évoquant le souvenir de la dernière guerre, cette femme se montre toute prête à se livrer furieusement à lui, non pour faire l’amour, mais pour qu’il naisse et jaillisse de leurs embrassements, un vengeur.

Mardi 28 décembre. — Dîner chez Brébant.

Une voix. — Buffet, sa figure est antipathique… il a toujours le visage crispé d’un homme qui se brosse les dents.