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dans une cravate, qui montait parfois jusqu’au nez, au dos une grande redingote du Directoire, et toujours les bras croisés et la tête renversée en arrière…

« Il m’avait déclaré qu’il avait lu mes livres, que les uns lui plaisaient, les autres non, mais qu’il ne voterait pas pour moi, parce que j’apporterais une température qui changerait le climat de l’Académie… Je vous l’avoue, j’aimais aller à l’Académie, les séances du dictionnaire avaient un intérêt pour moi ; je suis très amoureux d’étymologies, charmé par ce qu’il y a de mystère dans ces mots de subjonctif, de participe… J’étais assidu autour de cette table, où juste en face de moi, comme vous l’êtes, monsieur de Goncourt, j’avais Royer-Rollard.

« À l’Académie, il faut vous dire, je ne sais pourquoi, dès mon arrivée, Cousin s’était posé, vis-à-vis de moi, en antagoniste. Un jour arrive le mot : Intempérie. L’étymologie, demande-t-on ? Intemperies, répond quelqu’un… “Messieurs, s’écrie Cousin, nous devons apporter une certaine réserve dans le choix des mots que nous avons l’honneur de consacrer ; intemperies n’est pas du latin, ça n’existe dans aucun auteur de bonne latinité : c’est du latin de cuisine.” Tout le monde se taisait. Alors je jette tranquillement intemperies, et j’ajoute : “Tacite.” “Tacite, mais ce n’est pas du latin, reprend Cousin, c’est du latin bon pour le romantisme, n’est-ce pas Patin, vous qui savez le latin ?” Mais avant que Patin eût pris la parole, on entendit sortir de la haute cravate de Royer--