Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

le besoin d’une petite excitation poétique, c’est chez Henri Heine que je la trouve ; si mon esprit ennuyé du terre à terre de la vie, a besoin d’une distraction dans le surnaturel, dans le fantastique, c’est chez Poe, que je la trouve.

Ça m’embête tout de même, de n’être exalté ou surnaturalisé que par des étrangers.

Vendredi 25 juillet. — Aujourd’hui j’ai écrit, en grosses lettres, sur la première feuille d’un cahier blanc : la fille élisa.

Puis ce titre écrit, j’ai été pris d’une anxiété douloureuse, je me suis mis à douter de moi-même. Il m’a semblé en interrogeant mon triste cerveau, que je n’avais plus en moi la puissance, le talent de faire un livre d’imagination, et j’ai peur… d’une œuvre que je ne commence plus avec la confiance que j’avais, quand lui, il travaillait avec moi.

Mercredi 28 juillet. — Un jeune Japonais, auquel on demandait la traduction d’une poésie, s’arrêta, l’autre jour, au beau milieu de son travail, en s’écriant : « Non, c’est impossible de vous faire comprendre cela, avec les mots de votre langue, vous êtes si grossiers !… » Et comme on se récriait : « Oui, si grossiers ! » phrase qu’il fit suivre à peu près de