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parfois d’avoir du goût dans les porcelaines, dans les tapisseries, dans les meubles, dans les tabatières, dans les objets de l’art industriel. C’est la réflexion que je faisais aujourd’hui devant les boiseries du XVIIIe siècle, que me montrait le comte de ***, boiseries très artistement travaillées, et très bien ramassées. Mais n’a-t-il pas eu l’idée de me faire monter dans une chambre, et de vouloir me faire voir ses tableaux. Il semble vraiment qu’aux richards, sauf de très rares exceptions, est défendu le goût de l’art, supérieur, — de l’art fait par des mains, qui ne sont plus des mains d’ouvrier.

Vendredi 26 février. — Aujourd’hui je suis entré une minute à la vente Sechan. J’ai vu vendre de vieux tapis persans, de vieux morceaux d’harmonieuses couleurs très passées, des 6,000, des 7,000, des 12,000 francs. C’est une marque bien caractérisée de matérialisme dans une société, que ce prurit des enchères pour les choses de l’industrie artistique, tant qu’on voudra.

Je trouve aussi là-dedans le symptôme d’une société qui s’ennuie, d’une société où la femme ne joue plus le rôle attrayant, qu’elle jouait dans les autres siècles. J’ai remarqué, pour mon compte, que les achats s’interrompent, quand ma vie est très amusée ou très occupée. L’achat continu, insatiable, maladif, n’existe que dans les périodes de tristesse,