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Mercredi 2 décembre. — Ce soir, chez la princesse, en mangeant ma soupe, je dis à Flaubert, placé près de moi : « Je vous fais mon compliment d’avoir retiré votre pièce. Quand on a eu un échec, comme nous en avons eu, tous les deux, il faut, pour la revanche, être sûrs d’être joués par de vrais acteurs. »

Il me paraît un peu embarrassé, et puis, après un silence, il accouche de : « Je suis au Gymnase, maintenant… ce n’est pas moi, c’est Peregallo qui a voulu la présenter. » Et il ajoute : « Il y a cinq robes dans ma pièce, et là, les femmes peuvent en acheter. »

Il y a cinq robes dans ma pièce… Ô fascination du théâtre !… Flaubert dit cela ! — et moi, peut-être j’en dirai autant demain.

 

Du sang, on n’en trouve point, — c’est Claude Bernard qui parle — on ne saigne plus du tout. De mon temps, il y en avait des baquets dans les hôpitaux… J’en ai eu besoin dernièrement, pour mon cours, je n’ai pu m’en procurer… Et sans un vieux médecin, vous savez Pasteur ?… celui qui suit mon cours, je n’en aurais pas eu… Il s’est saigné… Lui c’est un ancien élève de Broussais. Il continue la tradition. Il se saigne, à tout bout de champ… Ne me disait-il pas : « Moi je me saigne, tous les jours, et j’en arrose mes fleurs. »

Il est intéressant à entendre et agréable à regarder, ce Claude Bernard ! Il a une si belle tête d’homme bon, d’apôtre scientifique. Puis il a encore