Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jeudi 24 avril. — Ce soir, chez Burty, Guys nous conte l’arrivée de Gavarni, à Londres. Il débarquait en casquette, sans un chapeau, sans un habit — dans l’impossibilité de faire une visite, de dîner dans une maison. Guys nous le peint hostile à toute relation, et recevant très froidement d’Orsay qu’il avait décidé à lui rendre visite. « Mais il n’y a rien à faire, avec ce sauvage », lui dit d’Orsay.

Cependant il lui fait obtenir une audience du secrétaire du prince Albert, auquel Gavarni présenta une soixantaine d’aquarelles qui ne furent pas achetées par le prince, mais furent vendues à vil prix, à un usurier.

Un grand nombre de dessins de Gavarni, sur les événements de 1848, sont faits d’après des croquis de Guys. À l’arrivée au London News de ces croquis, ou plutôt de ces croquetons, Gavarni les feuilletant, saisi par le caractère, le pittoresque de tel ou tel crayonnage de premier coup, disait : « Je prends celui-là ! », et du croqueton faisait un dessin terminé pour la gravure.

Mardi 29 avril. — Barodet est élu. C’est bien, c’est le commencement en politique de la toute-puissance du néant, du zéro.

On prêtait à Jules Simon ce spirituel mot, par lui adressé à quelqu’un lui disant qu’il menait Thiers comme il voulait : « Je le mènerais comme cela, si je pouvais lui persuader que je suis malhonnête ! »