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semble revoir, telle que me les dépeignait ma pauvre vieille cousine Cornélie de Courmont, une de ces queues de la grande Révolution, en cette attente de gens mêlés de vieilles haillonneuses, de bizets à képis, de petits bourgeois à la Henry Monnier, parqués en ces locaux improvisés, dans ces pièces blanchies à la chaux, où vous reconnaissez, assis autour d’une table, tout-puissants dans leurs uniformes d’officiers de la garde nationale, et suprêmes dispensateurs de votre nourriture, vos peu honnêtes fournisseurs.

Je rapporte un papier bleu, curiosité typographique des temps à venir et des Goncourt futurs, qui me donne le droit, pour moi et ma domestique, d’acheter, chaque jour, deux rations de viande crue, ou quatre portions d’aliments, préparés dans les cantines nationales. Il y a des coupons jusqu’au 14 novembre.

Mardi 11 octobre. — Aux portes des maisons neuves, où sont installées les mairies de la banlieue envahie, des femmes pâles s’entretiennent entre elles, avec des voix éteintes, de l’impossibilité de trouver du travail.

Dans les rues, des sœurs, marchant deux à deux, examinent un moment, dans le creux de leurs mains grassouillettes, le riz des sacs placés à la porte des épiciers.

Des marchands de bric-à-brac, accoudés sur des