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Vendredi 21 juillet. — Nous pêchons, toute la nuit, avec Grou-Grou et son porte-hotte, deux Mohicans de l’Aube, à la figure ridée, à l’œil perçant et aiguisé par la contemplation braconnière des choses de la nature.

C’est toute la nuit, dans les ténèbres que font les arbres, sous un ciel sans lune, dans l’apparence trouble des paysages endormis, à la marge d’une eau à peine distincte de la terre, une promenade aventureuse et tâtonnante, à travers les saules et les troncs d’arbres contre lesquels on butte, au milieu de fossés l’on dégringole, — soutenus dans notre fatigue, par la passion de la pêche et l’attrait de la contravention.

Il y a, dans le noir de cette nuit, un mystère des choses qui vous fait cheminer, comme dans du vague, avec autour de vous un doux silence, dans lequel on perçoit le clapotement de l’eau, le flafla mouillé du filet qu’on ramasse, les querelles à voix basse des deux pêcheurs, le bruit englobant de l’épervier dans l’eau, qui s’argente un moment. Du vague dont le mot de Grou-Grou : « Ça toque ! » vous sort soudain.

Jeudi 27 juillet. — La supérieure de l’hôpital disait à ma cousine, que les officiers prussiens avaient pour leurs soldats malades, pour leurs soldats blessés, des soins de femme, des soins de mère.

Les paysans à nombreuse famille, ont de leurs enfants la notion diffuse, qu’un lapin peut avoir de