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parfois sur le grondement de la canonnade lointaine.

La brute nationale commence à entrer en fureur. Je vois un de ces ignobles gardes nationaux, faisant d’office le métier d’agent de police, vouloir entraîner de force un homme qui n’est pas de son avis. Il ne parle rien moins que de « l’emballer pour l’École-Militaire et de le faire fusiller ».

Il faut entendre les gens des groupes pour avoir une idée de la bêtise incommensurable du peuple le plus intelligent de la terre. Et il y a encore une chose plus triste que la bêtise : c’est que dans tout ce qui se dit, tout ce qui se crie, tout ce qui se gueule, vous ne touchez qu’une idiote envie, un désir homicide de ravalement.

Lundi 15 mai. — Toujours l’attente de l’assaut, de la délivrance qui ne vient pas.

On ne peut se figurer la souffrance qu’on éprouve, au milieu du despotisme sur le pavé, de cette racaille déguisée en soldats.

Mardi 16 mai. — Aux Tuileries, dans l’allée qui regarde la place Vendôme, des chaises jusqu’au milieu du jardin, et sur ces chaises des hommes et des femmes qui attendent tomber la colonne de la Grande Armée… Je m’en vais.

Cette garde nationale ! elle ne mérite vraiment ni clémence ni merci. Aujourd’hui, ce qui reste de la