Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

tour de ma maison. La grille de la porte de la villa vient d’être défoncée.

J’accompagne Burty à l’Hôtel de Ville, où il va essayer d’attraper un laissez-passer en blanc, pour un pauvre diable qui veut s’enfuir. Il s’agit de découvrir le poète Verlaine, nommé chef de bureau de la Presse.

Le concierge ne sait pas quel est le numéro du bureau de la Presse, et les employés s’ignorent absolument entre eux…

Dans un salon, les gardes nationaux, inoccupés, tracassent de leurs baïonnettes la serge verte, qui enveloppe les lustres. Dans un corridor, un soldat engueule furibondement son officier. Sur tous les escaliers battent, entr’ouvertes, les portes des lieux, et cela sent très mauvais partout.

Après avoir vagué dans le palais, où les statues de bronze de François Ier et de Louis XIV détonnent dans toute la garde-nationalité de l’édifice actuel, après avoir été renvoyés de droite à gauche, nous nous présentons au Comité. Quatre ou cinq matelas sont jetés en travers de la porte, et dans la grande salle vide, errent quelques sales gens affolés. On dirait le campement d’une insurrection. Ce n’est pas un pouvoir, c’est un corps de garde mal balayé.

De l’Hôtel de Ville, nous allons, dans des quartiers perdus, voir Jongkind.

J’ai été un des premiers à apprécier le peintre, mais je ne connais pas le bonhomme. Figurez-vous un grand diable de blond, aux yeux bleus, du bleu de la faïence de Delft, à la bouche aux coins tom-