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dame de l’Œuvre s’esquive… Le dénouement se précipite. Un quart d’heure n’était pas passé, qu’un garçon de salle murmure à l’oreille de la femme : « — Votre mari est mort ! — Il faut qu’un chirurgien le dise ! » reprend la femme. On va chercher un interne qui tâte le cadavre, et dit : « — Oui, il est bien mort ! » À quoi la veuve riposte aussitôt : « — Eh bien, la pension ? — Je ne l’ai pas sur moi ! » fait l’interne, qui l’expédie à Chenu, qui la réexpédie à un délégué.

Autre histoire. Un jeune garde national meurt d’une blessure presque imperceptible à la poitrine, mais que l’on suppose avoir amené les plus graves désordres à l’intérieur. Il y a une grande curiosité chez les médecins, pour étudier le cas. Le père, qui était au chevet de son fils, a disparu. On ne sait ce qu’il est devenu. Le cadavre est transporté dans le petit chalet, au fond. Trois médecins s’y glissent. L’autopsie commence, est commencée… quand, tout à coup, le père se précipite dans le chalet, avec des cris de nature à ameuter les passants. Le garçon d’amphithéâtre n’a que le temps d’enfermer les médecins dans une autre salle, et il a à peine tourné la clef, qu’il retrouve le père sur le cadavre de son fils, ouvert. Le père crie, menace, parle de faire monter le peuple dans le chalet. — « Veux-tu vingt francs, lui dit froidement le garçon d’amphithéâtre ? — Vingt francs ! un fils unique ! reprend le père. Vous entendez la scène. — Allons, vingt-cinq. » Le père se calme, tend la main, et file.