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sée, bien à tort, je crois, craignent tout du farouche moderne contre le chef-d’œuvre classique.

Renan nous raconte cela, chez Brébant, où le dîner est aujourd’hui réduit à quatre convives, et il se plaint, avec justice et éloquence, du manque de courage des députés de Paris. Il dit qu’ils auraient dû parcourir la ville, et, parlant aux groupes, en faire sortir une résistance. Il dit que s’il avait été honoré du mandat de ses concitoyens, il n’aurait pas manqué à ce qu’il appelle un devoir. J’aurais voulu, ajoute-t-il, m’y faire voir, portant sur mon dos, quelque chose parlant aux yeux, quelque chose qui fût une marque, un signe, un langage, quelque chose pareil au joug, dont le prophète Isaïe ou Ézéchiel avait chargé ses épaules.

Puis, par ces zigzags, particuliers aux conversations vagabondes, la parole de Renan va au prince Napoléon, et à son voyage dans les mers du Nord. Il nous raconte que, l’abordant tout heureux, le matin où le bâtiment appareillait pour le Spielberg, l’abordant avec : — « Un beau temps, monseigneur ? » — « Oui, un beau temps pour retourner en France. »

Le prince avait reçu dans la nuit une dépêche, lui apprenant la déclaration de guerre à la Prusse, et le rappelant en France. Le prince ajouta : « Encore une folie, mais c’est la dernière qu’ils feront ! »

Et là-dessus, Renan s’étend longuement sur la justesse des prévisions du prince, sur sa perspicacité de Cassandre, et il nous parle de toute une nuit, passée à l’ambassade de Londres, pendant laquelle