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Pourquoi, dans tous les Égyptiens de talent qu’il a étudiés de près, depuis le gouvernement de Mehemet-Ali, il a toujours remarqué chez eux, l’absence de l’esprit juste !

En chemin, dans le galop de sa rapide voiture, courant chercher à Paris des nouvelles, des renseignements, Nubar me raconte qu’en Abyssinie, quand un meurtre a été commis, la famille de l’assassiné passe sept jours et sept nuits à remplir de malédictions les entours de la maison du meurtrier. Il est bien rare, ajoute-t-il, que le meurtrier ne finisse pas misérablement : « Pour moi, c’est le concert de malédictions qui s’est élevé après le 2 décembre, qui a son effet aujourd’hui ! »

Lundi 15 août. — Huit heures. À l’heure de la nuit tombante, à l’heure de la fumerie et de la formation rêveuse des idées, n’avoir plus à côté de moi, dans la pénombre du crépuscule, sa pensée originale, sa parole si joliment paradoxale, oui, c’est l’heure où je me sens le plus seul.

Vendredi 19 août. — L’émotion de ces huit jours a donné à la population parisienne la figure d’un malade. On voit sur ces faces jaunes, tiraillées, crispées, tous les hauts et les bas de l’espérance, par lesquels les nerfs de Paris ont passé, depuis le 6 août.