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multitude noire, sur laquelle s’élève, çà et là, le cuivre brillant d’une grande lunette.

C’est au fond une curiosité indifférente de tous : bourgeois et ouvriers, femmes du monde et du peuple. Par acquit de conscience, et comme dans le jeu d’un rôle, une de ces femmes laisse-t-elle échapper : « C’est bien triste ! » presque aussitôt cela dit, elle retrouve son petit rire fou, à propos de rien.

Dans le ciel brillant passent, à tire-d’aile, en coassant, des volées de corbeaux, que les coups de canon chassent de leur pâture !

Précédés d’un officier, le sabre au poing, dans les cris de Vive la République ! poussés par des artilleurs ivres, trois canons défilent au grand galop, et détournent, un moment, l’attention, braquée sur la route montante et la barricade éventrée. Les obus commencent à tomber sur le rempart, et, peu à peu, la foule recule devant les éclatements d’obus dans l’air, laissant longtemps, dans le bleu du ciel, un petit nuage immobile.

Versailles met de l’imprudence à ne pas frapper un grand coup. Les Parisiens, tenus dans l’ignorance de l’étendue de leurs défaites, par les mensonges officiels et semi-officiels, ne sont pas découragés. Ils commencent même, il faut l’avouer, à être pris par l’amusant de cette guerre ; derrière des remparts, comme à Issy, de cette guerre dans des maisons, comme à Neuilly.

Les aberrations et les inventions de la cervelle de cette plèbe armée dépassent tout ce qu’on peut