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Dimanche 2 avril. — Canonnade, vers les dix heures, dans la direction de Courbevoie. Bon, la guerre civile est commencée ! Ma foi, quand les choses en sont là, c’est préférable aux égorgements hypocrites… La canonnade s’éteint… Versailles est-il battu ?… Hélas ! si Versailles éprouve le plus petit échec, Versailles est perdu ! Quelqu’un qui vient me voir, me dit que d’après des paroles qu’il a saisies dans les groupes, il craint une défaite.

Je pars de suite pour Paris. J’étudie la physionomie des gens, qui est comme le baromètre des événements dans les révolutions ; j’y trouve comme un contentement caché, une joie sournoise. Enfin un journal m’apprend que les Bellevillais ont été battus.

Un de mes amis, de couleur très rouge, voit dans ce qui se passe, une ère nouvelle. Moi j’en ai assez des ères nouvelles, dirigées et menées par des hommes, avec lesquels mon ami ne consentirait pas à monter une faction.

J’entends un jeune Bellevillais s’exclamer ainsi, en s’adressant à ses camarades : « C’est dégoûtant, dans les compagnies, c’est à celui qui mangera le plus et boira davantage ! »

Lundi 3 avril. — La canonnade comme au temps des Prussiens. La canonnade tonnant, au petit jour, au Mont-Valérien, puis s’étendant dans la journée autour de Meudon, où Versailles a placé ses canons, dans les travaux de fortifications des Prussiens. Un