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paraît au bourgeois, plus épouvantant, plus subversif, plus anti-social, que si ce gouvernement décrétait, le même jour, l’abolition de l’hérédité, et le remplacement du mariage par l’union libre.

Samedi 1er avril. — Quelque chose me révolte dans ce gouvernement de la violence et de toutes les extrémités : c’est sa débonnaire résignation au traité de paix, c’est sa lâche soumission aux conditions déshonorantes, c’est, le dirai-je, son amicalité presque, pour les Prussiens.

Les préliminaires de la paix, voilà le seul fait accompli trouvant grâce devant ces hommes, en train de jeter tout à bas, et cela, sans qu’une voix proteste. À Dieu ne plaise que je ne le demande, mais je m’étonne, et je ne puis comprendre, que dans ce moment d’effervescence, de bouillonnement, de furie, il n’y ait pas un peu de l’emportement des esprits, qui ne se tourne irraisonnablement contre les Allemands.

Je constate tristement, que dans les révolutions actuelles, le peuple ne se bat plus pour un mot, un drapeau, un principe, une foi quelconque, faisant de la mort des hommes un sacrifice désintéressé. Je constate que l’amour de la patrie est un sentiment démodé. Je constate que les générations contemporaines ne s’insurrectionnent que pour la satisfaction d’intérêts matériels tout bruts, et que la ripaille et la gogaille ont seules, aujourd’hui, la puissance de leur faire donner héroïquement leur sang.