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Jeudi 30 mars. — Il y a chez moi une faculté tyrannique : l’enfantement continu, perpétuel, d’une conception portant le cachet de ma personnalité. Si, comme dans ce moment-ci, ce n’est pas un livre que je roule dans ma tête, ma pensée s’amuse, jour et nuit, de la plantation d’un jardin, de la formation d’un coin de verdure et de feuillée particulier. À défaut de la création d’un jardin, ma cervelle s’occupera de la création d’une pièce, de l’arrangement et de l’ameublement d’une chambre, réalisés dans les conditions d’un idéal artistique, que d’autres achètent chez leur tapissier.

Et il en a été toujours ainsi, toute ma vie. Je me reposais de la composition d’un bouquin, par la composition originale d’une collection particulière, d’un meuble, d’une reliure.

Vendredi 31 mars. — Risum teneatis ! — Jules Vallès est ministre de l’instruction publique. Le bohème des brasseries occupe le fauteuil de Villemain. Et, il faut le dire cependant, dans la bande d’Assi, c’est l’homme qui a le plus de talent et le moins de méchanceté. Mais la France est classique de telle sorte que les théories littéraires de cet homme de lettres font déjà plus de mal au nouveau gouvernement, que les théories sociales de ses confrères. Un gouvernement, dont un membre a osé écrire qu’Homère était à mettre au rancart, et que le Misanthrope de Molière manquait de gaieté, ap-