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Saint-Victor donne les bribes d’une conversation d’Ernest Picard. Le spirituel avocat aurait ainsi fait le portrait de Trochu : « Il est honnête et faux ! » Sur Gambetta, il aurait conté cette anecdote, joliment imaginée, si elle n’est pas vraie. L’ancien habitué du café de Madrid, en nommant à des emplois, près de sa personne, Pipe-en-Bois et les autres, en s’entourant de tout son personnel de videurs de chopes, ne se trouvait pas encore satisfait. Le café de Madrid n’était pas, pour le dictateur, complètement réalisé à Bordeaux. Il faisait alors venir le garçon de café qui servait sa table, et l’élevait à la dignité d’huissier de son cabinet, avec la chaîne d’acier au cou.

De ces anecdotes, la conversation s’envole bientôt plus haut. C’est à la fois merveilleux et triste, le despotisme qu’exerce sur la pensée de Renan tout ce qui se dit, s’écrit, s’imprime en Allemagne. J’entends, aujourd’hui, ce juste adoptant la criminelle formule de Bismarck : La force prime le droit ; je l’entends déclarer que les nations et les individus qui ne peuvent pas défendre leurs propriétés, ne sont pas dignes de les conserver.

Comme je me révolte, il me répond que ça a été, tout le temps, la loi et le droit. Seul le christianisme, il est forcé de l’avouer, a cherché une atténuation de cette doctrine, avec sa protection du faible, du pauvre homme. Et après une verbeuse dissertation sur les livres de Job, d’Esther, de Judith, des Machabées, sur les facultés d’assimilation des races