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Sur le boulevard, en face de l’Opéra-Comique, je tombe dans une foule, interceptant la chaussée, et barrant le chemin aux omnibus. Je me demandais si c’était une nouvelle émeute. Non, toutes ces têtes en l’air, tous ces bras qui désignent quelque chose, toutes ces ombrelles de femmes, qui s’agitent, toute cette attente à la fois anxieuse et espérante, c’est à propos d’un pigeon — peut-être porteur de dépêches, — qui se repose sur le tuyau d’une des cheminées du théâtre.

Dans cette foule, je rencontre le sculpteur Christophe, il m’apprend qu’il y a des pourparlers entamés pour la capitulation.

Chez Brébant, dans la petite antichambre qui précède le grand cabinet, où l’on dîne, tout le monde comme brisé, épars sur le canapé, sur les fauteuils, parle à voix basse, ainsi que dans la chambre d’un malade, des tristes choses du jour, et du lendemain qui nous attend.

On se demande si Trochu n’est pas un fou. À ce propos, quelqu’un dit avoir eu communication d’une affiche imprimée, mais non affichée, destinée à la mobile, où ledit Trochu parle de Dieu et de la Vierge, comme en parlerait un mystique.

Dans un coin, un autre de nous fait remarquer que ce qu’il y a surtout de criminel, chez deux hommes, comme Trochu et comme Favre, c’est d’avoir été dans l’intimité des désespérateurs, dès le principe, et cependant d’avoir, par leurs discours, leurs proclamations, donné à la multitude la