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en cette petite bête ailée, en cet oiseau de deuil de l’air, et j’ai eu le vague effroi d’avoir détruit, avec mon coup de fusil, quelque chose d’au delà de ce monde et d’ami, qui veillait sur la conservation de ma personne et de ma maison.

C’est bête, c’est bête, c’est absurde, c’est fou, mais ç’a été une obsession toute la soirée.

Dimanche 15 janvier. — La canonnade la plus effroyable qu’ait encore entendue le rempart Sud-Est. « Cela rigole durement ! » dit un homme du peuple, en courant. La maison, secouée sur ses fondations, déverse toute la vieille poussière de ses corniches et de ses plafonds.

Malgré la gelée et le vent glacé, toujours sur le Trocadéro, une foule de curieux.

Dans les Champs-Élysées, abatis de grands arbres, sur lesquels, avant qu’ils ne soient hissés dans les camions, se précipite une nuée d’enfants, armés de hachettes, de couteaux, de n’importe quoi de coupant, qui tailladent des morceaux, dont ils emplissent leurs mains, leurs poches, leurs tabliers, pendant que, dans le trou de l’arbre abattu, se voient des têtes de vieilles femmes occupées à déterrer, avec des pics, ce qui reste des racines.

Au milieu de cette dévastation, quelques promeneurs et promeneuses, ayant l’air de faire insouciamment, et tout comme autrefois, leur promenade d’avant-dîner, sur l’asphalte.