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sades et j’atteins un de ces minuscules pitons déchiquetés, qui donnent dans toute cette neige, à ce paysage parisien tourmenté, l’aspect d’une réduction d’une contrée volcanique. Au-dessus de ma tête tournoie un oiseau de proie, peut-être un des faucons de Bismarck, dépêché contre nos pigeons. On ne voit rien du terrain canonné. La curiosité dépitée se rabat sur le Bourget, éclairé d’un pâle rayon de soleil, sur des feux prussiens, sur un casque allemand, qu’on croit voir luire.

Dans les groupes commence à circuler, contredite par l’indignation de quelques-uns, par l’incrédulité du plus grand nombre, l’annonce de l’évacuation du plateau d’Avron, et commence, visible pour tout le monde, la naissance d’un découragement, que la défaite de l’armée de la Loire, de l’armée du Nord, n’avait point encore amené.

Burty me dit aujourd’hui qu’un général, dont j’ai oublié le nom, avait laissé échapper devant lui : « C’est le premier acte de notre agonie ! »

Aux heures avancées de la nuit, quand maintenant on frôle les murailles de Paris, on est surpris d’y entendre, enfermé comme derrière un mur de village, le chant des coqs, et l’on ne voit plus de lumières qu’aux fenêtres des maisons, qui ont inscrit au-dessus de leurs portes : Ambulance.

Vendredi 30 décembre. — Aujourd’hui seulement l’abandon du plateau d’Avron est officiel, et les