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ceux-ci, les richards, avec leurs bonnets aux oreilles de laine noire frisée, leurs favoris carrés, leur foulard rouge noué autour du cou ; ceux-là, des jockeys en disponibilité, avec le long gilet à manches, et le cache-nez de laine écossaise ; puis sous des casquettes aplaties, couvrant l’occiput, toute une population de jeunes voyous retors et madrés, à la frimousse de vieux diplomates.

Une grande fillette, à l’œil impudique et au madras placé en haut de cheveux rêches, m’offre, pour 350 francs, un âne qui m’a tout l’air d’un âne de Montmorency.

C’est l’avenue du marché aux chevaux — le Poissy du Paris du jour — et j’entre dans le vrai marché, où les chevaux sont tellement affamés, qu’ils mangent le bois de la traverse, dans laquelle est fixé leur licol, s’efforçant, les pauvres bêtes, de ramasser à terre la sciure que leurs dents ont faite.

On les amène sur un pont-balance, devant lequel est agenouillé, sur un sac, le soldat de ligne qui les pèse. On voit des mains se promener sur leurs flancs, on entend des paroles dont on ne comprend pas le sens, dites par des figures pleines de sourires malicieux, et de clignements d’yeux diaboliques, — bourse mystérieuse, entre ces hommes tout rubiconds de coups de soleil, et qui ne dure qu’un instant. Le marché est conclu.

Le cheval est amené dans un coin, où un petit homme rabougri abaisse la poignée de fer d’un soufflet, maintenant rouge du charbon de terre al-